- QU QIUBAI
- QU QIUBAIQU QIUBAI [K’IU TS’IEOU-PAI] QU SHUANG [K’IU CHOUANG] dit (1899-1935)De son véritable nom Qu Shuang, Qu Qiubai naît à Changzhou (Jiangsu) dans une famille de lettrés. Il se destine à une carrière artistique et littéraire, mais la ruine et les dissensions familiales l’obligent à enseigner. Il étudie néanmoins la poésie, le bouddhisme, le français et le russe. En 1919, il est arrêté pour sa participation au Mouvement du 4 mai; il entrevoit le marxisme grâce à l’influence de Li Dazhao. D’emblée, dans les périodiques qu’il lance, il manifeste une rare clairvoyance dans l’appréhension des données sociologiques du problème chinois qu’il analyse à la lumière de la dialectique. En 1920, grâce à sa connaissance du russe, il obtient le poste de correspondant à Moscou pour le quotidien Chen bao (Le Courrier du matin ). Ses premiers reportages sur la jeune Union soviétique qui se débat encore dans la guerre civile sont empreints d’une grande recherche littéraire et décrivent dans un style lyrique et sentimental la Russie, «pays de la faim». Il assiste au Ier congrès des travailleurs de l’Orient en 1922 puis, introduit par Zhang Tailei, entre au Parti communiste chinois (P.C.C.). Interprète à l’«Université des travailleurs» créée par le commissariat soviétique aux nationalités pour soutenir les nations orientales colonisées, Qu Qiubai est impressionné par la discipline et l’enthousiasme révolutionnaires qui président à l’établissement du système socialiste soviétique. Interprète en 1923 de Chen Duxiu, alors secrétaire général du P.C.C. et qui assiste au IVe congrès du Komintern, il suit les conseils de ce dernier et rentre en Chine où le IIIe congrès du P.C.C. l’élit au comité central. L’année 1923 voit le début de l’alliance P.C.C.-Guomindang créée pour achever la révolution nationale anti-impérialiste. Qu Qiubai s’inscrit donc au Guomindang, qui le reçoit au comité central exécutif. Réélu au comité central du parti en 1925, il entre au bureau de la propagande et établit un programme de conférences et de rédaction. Il participe à l’éducation politique des cadres paysans cantonais, publie des pamphlets et des éditoriaux anti-impérialistes.En juillet 1927, alors que Tchiang Kai-chek entreprend une série de mesures qui visent à éliminer les communistes, un groupe d’opposition dirigé par Qu Qiubai accuse Chen Duxiu de continuer la collaboration avec le Guomindang. Or Qu Qiubai a peu avant rencontré l’envoyé du Komintern, Borodine, et proposé, pour sauver la face de cet organisme ainsi que le prestige du P.C.C., de charger Chen Duxiu de la responsabilité de la défaite communiste; ce dernier a, quant à lui, maintenu la collaboration avec le Guomindang sans enthousiasme personnel et sur les instances du Komintern. On l’accuse quand même d’opposition droitière et on lui fait porter l’échec que représente l’éviction des communistes hors des factions du Guomindang. Cette accusation, qui traduit la déconcertante politique moscovite à l’égard de la Chine, est en fait le nœud des divergences qui divisent le Parti communiste à cette époque: la faction orthodoxe de Chen Duxiu se voit de plus critiquée pour l’indifférence à l’égard de la paysannerie, car elle refusait de publier le célèbre Rapport sur l’enquête sur le mouvement paysan du Hunan de Mao Zedong. Qu Qiubai, qui vient d’être élu leader du département paysan lors du Ve congrès national, décide l’impression du rapport en y ajoutant une préface.Les nouvelles directives de Staline exigeant des réformes au sein du P.C.C., une réunion d’urgence tenue le 7 août 1927 limoge Chen Duxiu qui est remplacé par Qu Qiubai sur intervention de Lominadzé, représentant le Komintern. Par réaction contre le droitisme de Chen Duxiu, le P.C.C. se lance dans une politique téméraire et prépare d’importants soulèvements ouvriers et paysans, car Qu Qiubai estime que la situation est mûre pour renverser le Guomindang. La suite des événements est des plus tragiques pour la révolution: ce sont de septembre à décembre 1927 les échecs de la «révolte de la moisson d’automne» et de la Commune de Canton. De nouveau, Moscou cherche des coupables. Qu Qiubai est rappelé à Moscou, son rapport sur la révolution chinoise et le Parti communiste chinois critiqué sévèrement, lui-même traité d’opportuniste gauchiste et, plus tard, de trotskiste. Remplacé par Xiang Zhongfa, il reste cependant le délégué chinois du Komintern et, à ce titre, se rend en Europe de 1928 à 1930, en particulier à Moscou. Rentré en Chine en 1930, il se lie avec Li Lisan et se voit bientôt accusé d’ambivalence politique et destitué par le groupe des «vingt-huit bolcheviks» staliniens.Qu Qiubai se consacre alors aux problèmes littéraires et linguistiques, se fait l’avocat de la langue vulgaire (bai hua ), traduit Gorki, Serafimovitch, fréquente Luxun et Maodun, les plus grandes figures littéraires de la Chine révolutionnaire. En 1934, il rejoint la base communiste du Jiangxi où il occupe un poste de commissaire du peuple à l’instruction et à l’éducation artistique et, quand Mao Zedong entreprend la Longue Marche, il reste au Jiangxi comme organisateur des équipes de propagande. Malade, il rentre à Shanghai mais il est arrêté en route, en février 1935. Durant son incarcération par les nationalistes, il écrit des poèmes classiques, qui seront publiés en 1954, ainsi que son testament qu’il intitule Duoyu de hua (Paroles superflues ); il est conduit sur le lieu de son exécution en chantant l’Internationale .Ce brillant intellectuel, ancien secrétaire général du P.C.C. malgré sa destitution pour opportunisme gauchiste ou putschisme, n’a jamais été mis au ban de l’histoire officielle du mouvement communiste.
Encyclopédie Universelle. 2012.